13 avril 2013

Le seul film intéressant sur les événements,
le seul vraiment fort que j'ai  vu (je ne les ai évidemment pas tous vus),
c'est celui sur la rentrée des usines WONDER,
tourné par des étudiants de l'IDHEC,
parce que c'est  un film terrifiant, qui fait mal.
C'est le seul qui soit un film vraiment  révolutionnaire.
Peut-être parce que c'est un moment
où la réalité se transfigure à tel point
qu'elle se met à condenser toute une situation politique en dix minutes
d'intensité dramatique folle.

C'est un film fascinant, mais on ne peut dire qu'il soit du tout mobilisateur,
ou alors par le réflexe d'horreur et de refus qu'il provoque.
Vraiment, je crois que le seul rôle du cinéma, c'est de déranger,
de contredire les idées toutes faites, toutes les idées toutes faites,
et plus encore les schémas mentaux qui préexistent à ces idées:
faire que le cinéma ne soit plus confortable.

J'aurais de plus en plus tendance à diviser les films en deux:
ceux qui sont confortables et ceux qui ne le sont pas;
les premiers sont tous abjects, les autres plus ou moins positifs.
Certains films que j'ai vus, sur Flins ou Saint-Nazaire, sont d'un confort désolant:
non seulement ils ne changent rien,
mais ils rendent le public qui les voit content de lui;
c'est les meetings de “l'Humanité.”

Jacques Rivette

Les Cahiers du Cinéma, no. 204, September, 1968
(via David Phelps, here)


La Reprise du travail aux usines Wonder (Jacques Villemont, 1968):

Aucun commentaire: